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Vous n'auriez pas dû mourir

Publié le par @Miss-Piquante

Vous n'auriez pas dû mourir

Aujourd’hui, je veux parler de vous, votre visage reste gravé à l’instar de votre nom que je peine à me rappeler.

Ne m’en veuillez pas de troubler votre repos en racontant cette histoire traversée ensemble, en faisant ressurgir les souvenirs de ces mots parfois durs que vous avez eus, des ces moments de souffrance, de ce que la maladie vous enlevé à jamais. Ne voyez pas ma démarche, où que vous soyez, comme une façon de me confier pour ensuite vous oublier. Voyez ceci comme un hommage. Quoique les hommages, je ne pense pas que ce soit ça que vous attendiez. Non. Ce n’est pas qu’un hommage. C’est l’expression de l’idée qui reste gravée depuis ce jour : Non, vous n’auriez pas dû mourir. Nous avons failli à notre tâche.

Je ne détaillerai pas l’histoire de sa maladie et tout ce que cette personne a vécu. Sachez seulement ceci, chers lecteurs : cette personne a eu besoin d’une greffe d’organe, un foie. Souvent dans ce service, les personnes nécessitant une greffe de foie étaient des personnes ayant eu une conduite addictive avec l’alcool, parfois en association avec d’autres substances. Cette addiction les a amenés à un état de cirrhose grave, nécessitant de remplacer leur foie usé. Certains diraient que quelque part, ils l’ont mérité, qu’ils savaient… Mais je dois vous rappeler que l’addiction, c’est aussi une maladie. Personne ne mérite d’être malade à mes yeux de soignante qui se doit de prendre tout le monde en charge de la même façon. Ce que vous avez fait auparavant, je ne me permettrai pas de le juger, de vous juger. Je suis là pour prendre soin de vous.

Seulement voilà, en comparaison à ces patients pour lesquels on trouve une explication logique à ce qui arrive, ce qui vous est arrivé à vous ressemble à un acharnement du sort. Vous avez contracté une forme d’hépatite qui a ruiné votre foie à la place de cet alcool que vous ne consommiez pas. Vous avez été greffé.
« Pourquoi moi ? » Disiez-vous... C’est vrai, pourquoi le sort s’est acharné.

Votre greffe s’est compliquée : syndrome inflammatoire, infection, anémie et j’en passe. Je n’ai plus tout votre dossier médical en tête. Mais voilà, ce nouveau foie, votre corps avait du mal à l’accepter, lui et l’hôpital vous ont causé bien des souffrances. Traitement sur traitement, perfusion sur perfusion, hémocultures sur hémocultures… Vous avez été patient, mais quand à chaque fois vous commenciez à voir le bout du tunnel, quelque chose vous faisait rechuter.

Et vous en avez eu marre, ras-le-bol, vous n’en pouviez plus. Et personne ne pouvait vous blâmer. Si vous saviez combien de fois nous nous sommes dit : « ce n’est pas possible, encore une prise de sang ! On ne pourrait pas regrouper les analyses pour ne pas avoir à piquer encore et encore ? ». Alors à chaque fois on vous faisait ces batteries de test et des beaux antibiotiques à gogo. Et vous alliez mieux, on vous mutait dans un centre plus petit et plus proche de chez vous.

Et vous reveniez... Température à 38.5°, tachycardie, sueurs, fatigue, les leucocytes en hausse, et surtout, la perte d’espoir qui pointait le bout de son nez. Alors forcément, à force, vous avez dit non. Refus de soin marquions-nous dans les transmissions. Vous disiez non à tout, à tout le monde... Quoique. Je ne sais pas comment ni pourquoi ce jour là vous avez dit oui. Las certes, pas du tout enthousiaste, normal. Mais vous avez dit oui.

Petit à petit vous alliez mieux, vous acceptiez votre situation. Je le comprends maintenant. La greffe vous a amené à faire un processus de deuil, et la phase d’acceptation pointait le bout de son nez après déni, colère, marchandage, dépression. La dépression… Je pensais que vous commenciez à accepter. Mais en fait, je crois que vous étiez juste résigné.

Et puis il a fallu intervenir, vous deviez aller en salle d’intervention pour une chose pourtant peu invasive, peu risquée. Mais tout a foiré.

Vous n’étiez pas en état. Votre corps était trop affaibli. En même temps, allez combattre une infection quand vous êtes sous immunosuppresseurs. Vous ne mangiez plus vraiment, vous étiez hydraté par perfusion, vous dormiez beaucoup, votre état était instable. Tout le monde le savait. Alors pourquoi êtes-vous descendu ? Pourquoi avez-vous été anesthésié ? Sans oublier le fait que vous avez attendu des heures en bas, parce que le brancardage avait été déclenché à priori trop tôt par l’équipe qui vous attendait. Alors vous avez attendu plusieurs heures. Vous êtes d’ailleurs descendus avant l’heure prévue, et vous n’avez pas eu votre antibiotique qui devait pourtant être passé juste avant. L’avez-vous eu en bas ? Je l’ignore.

Vous avez été endormi, affaibli et instable, après des mois à vous balancer entre les services, complications sur complications, infection sur infection, colère, larmes, résignation, sourires, blagues, repli sur soi, sommeil, encore sommeille, fatigué, affaibli, instable, vaincu.

Vous avez été endormi et ne vous êtes jamais réveillé.

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