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Nurses' Games: La révolte

Publié le par Audrey

Nurses' Games: La révolte

Bonsoir. Aujourd'hui, je n'ai pas réellement de sujet précis à traiter. J'ai juste une petite idée en tête, quelques ressentis, et surtout une pointe d'amertume qui aiguise ma plume.

J'ai décidé d'être infirmière. Mais une infirmière, c'est quoi au fond? Celle qui vient faire vos prises de sang, poser une perfusion, faire votre pansement, et vous demander si vous avez mal, ce à quoi elle répond par un comprimé ou une poche de Perfalgan? Dis moi, toi qui me lis, que tu sois du milieu ou pas, c'est quoi être infirmier? Penses-tu que mon métier ne consiste qu'à écouter le médecin, à boire ses paroles, lui qui a tant de connaissances, lui qui a un titre prestigieux, "Docteur", "Professeur", crois-tu que je doive lui obéir en tout point, que je ne suis que son assistante? Dis moi, t'es-tu déjà dis que l'infirmier ne faisait pas grand chose au final, qu'il n'avait pas à réfléchir, juste à agir, comme si le métier ne reposait que sur une technique apprise en stage?

Et bien moi, je réponds non à toutes ces questions. Non Docteur, je ne suis pas votre assistante, mais votre collaboratrice. Non Monsieur M., je ne suis pas qu'une exécutante, mais il est vrai que je pique en essayant de vous faire le moins mal possible, bien qu'il me manque un peu de dextérité. Au passage, j'aimerais vous dire que la poche de Perfalgan ne se met pas toute seule en place, c'est souvent moi qui la demande à l'interne, qui me l'a prescrit gentiment en me faisant confiance. C'est vrai qu'on râle souvent contre les médecins, mais au fond, certains sont très accessibles, vous savez, on travaille ensemble pour vous soigner. Je ne peux pas travailler sans lui, mais lui serait bien embêté aussi sans moi. Enfin, tous les médecins n'admettent pas qu'ils ont besoin de nous, parce qu'ils sont trop fiers pour admettre que leur métier les stresse aussi, et oui, le stress du diagnostic, du "bon" traitement, sans compter de l'infirmière qui vient titiller à la moindre petite erreur de prescription. Mais sans cela, on ne pourrait pas vous soigner correctement.

Mais vous avez raison Monsieur M., je vous demande pardon. Vous aussi Madame X. Et à vous tous, vous que j'ai soigné, vous que j'ai essayé d'écouter. Je n'ai peut être pas toujours été là comme vous le vouliez. Peut-être que vous avez essayé de me faire passer un message et que je n'ai pas su recevoir, trop occupée à piquer vos veines en espérant ne pas vous faire mal et à écouter l'infirmière me dire que je prends trop de temps. Je voudrais m'excuser Monsieur, Madame, Mademoiselle, Jeune homme, je vous ai peut être malmenés parfois, quand ma collègue me disait de me dépêcher pour "faire la toilette de la chambre suivante". Mais je ne toilette pas des chambres moi... Non, moi je suis là pour vous accompagner lors de votre toilette, et pour faire ce que, pour différentes raisons, vous ne pouvez plus faire seuls. Mais admettez Madame R., vous pourriez faire beaucoup de choses si on prenait le temps de vous laisser faire. Seulement vous comprenez, j'ai une dizaine de résidents à voir ce matin pour les aider également, et si je mets toutes mes collègues en retard, je vais être mal vue. On vous place en établissement pour personnes âgées dépendantes, mais en réalité, c'est lui qui vous rend dépendants.

Je voudrais m'excuser également auprès de vous, Madame Z. Je n'ai pas su comment réagir en vous voyant, vous qui étiez si peinée. Je n'ai pas su vous aider. Il faut dire qu'on m'a envoyé vers vous un peu brutalement, "va lui poser son cathéter, tu prépares tout et je te rejoins", et puis il faut dire que je n'étais pas habituée à ce genre de soins, j'avais peur de vous faire mal, de devoir vous repiquer. Enfin, vous savez ce que c'est. Je ne savais pas comment vous aider, alors j'ai juste souri et tenté de rire avec vous. J'espère que ça vous a un peu apaisée.

Je vous demande pardon, et je me demande pardon aussi. J'ai choisi ce métier car non, je ne suis ni une assistante ni une exécutante. Je réfléchis, je diagnostique moi aussi, je fixe des objectifs, je prépare des interventions, en plus de remplir mon rôle sur prescription, j'ai mon rôle propre, et parfois, je l'oublie un peu. Il faut dire que certains terrains de stage veulent nous démontrer que les diagnostics infirmiers ne sont que des conneries. C'est vrai que ça peut paraître un peu superflu, mais en réalité, il faut apprendre à nommer les choses, à les reconnaître pour mieux les prendre en charge. Seulement parfois, on ne prend pas le temps de vous écouter, de vous connaître tout simplement pour mieux vous accompagner durant votre hospitalisation. Que c'est difficile d'être hospitalisé. Si j'étais malade, je ne sais pas si j'aimerais être à l'hôpital. C'est effrayant l'hôpital. C'est vrai que nous sommes brusques par moment.

En réalité, je crains que parfois, nous ne vous heurtions dans votre dignité humaine, dans votre existence. Combien de fois ai-je entendu des soignants minimiser la douleur. Combien de fois ai-je moi même râler en entendant la sonnette de la 306 pour la 10ème fois. Mais j'aurais du faire plus attention à vous, je devrais me demander pourquoi, pourquoi être vous comme cela, pourquoi êtes vous agressifs ou au contraire passifs? Pourquoi chacun de nous est ce qu'il est, quelle est son histoire, quelles sont ses croyances, ses idées, comment vit-il sa situation?

Je te le demande à toi qui me lis, où est l'humain lorsque je fais des toilettes à la chaîne, que je fais mes prises de sang en vitesse pour ne pas louper la navette du laboratoire, lorsque le médecin vous interrompt pendant votre repas pour vous examiner, accompagné des 10 externes en stage, sans vous demander votre avis. Dis moi, où est l'humain quand je ne prends même pas le temps de m'asseoir alors que tu m'avoues te sentir mal. Pourquoi rester debout alors que je suis votre égale, je ne suis pas supérieure, je n'ai pas la science infuse, les docteurs non plus d'ailleurs.

C'est vrai qu'on est sous pression, qu'on manque de temps, mais l'humain, l'humain ne devrait il pas passer avant toute chose? Non docteur, ne m'obligez pas à lui poser une sonde naso-gastrique, elle est en larmes, elle l'arrache à chaque fois, non je ne veux pas. Et pourtant, il faut bien qu'elle mange cette petite. Mais non, la famille n'est pas pour non plus, pourquoi la contraindre, foutez lui donc la paix, allez la voir, allez voir comme elle est mal! Non moi je ne peux plus.

Je ne veux plus supporter ça. Où est l'humain? Je m'en fiche de prendre 5 minutes de plus, c'est moi que ça regarde après tout. Mais c'est vrai, pardon, je suis sous ta responsabilité. Mais je suis encore étudiante, laisse moi prendre le temps, laisse moi être là, être le soutien que nous devrions tous être. Laisse moi être la soignante que je veux être. Comment, cela risque de mettre mon stage en péril? Je dois me taire? Vivement le diplôme.

Non je ne veux plus supporter ça. Où est l'humain? Nous sommes soignants non? Où est le prendre soin, dites moi? Et toi qui me lis, tu as changé d'avis? tu vois tout ce à quoi je pense? Je suis celle qui va te demander quelles sont tes habitudes, ce que tu aimes faire, celle qui va s'interroger sur ta religion pour que tu puisses faire tes prières chaque jour ou pour demander à ta famille de t'apporter ta bible, ton coran ou ta torah. Je suis celle qui va se demander qui tu es, celle qui va se demander si tu as mal, où tu as mal et pourquoi. Celle qui va te demander si tu dors bien, non pas par politesse, mais parce que je veux que tu te sentes bien. Je suis celle qui va tout faire pour que l'hôpital ne t'angoisse pas, pour que tu n'aies pas peur d'avoir mal, de ne pas te réveiller, ou de subir un examen particulier. Je suis celle qui se demandera toujours ce qu'elle peut faire pour toi et pourquoi elle le fait. Je suis celle qui relira plusieurs fois les prescriptions, qui questionnera le médecin et qui prendra le temps de répondre à tes questions, dans la mesure du possible. Je suis aussi celle qui parfois sera démunie devant ton regard rempli d'angoisse et de larmes, toi qui te demande pourquoi tout cela t'arrive. Je suis celle qui pleurera parfois en rentrant et en pensant à ce qu'elle a laissé à l'hôpital, comme je suis celle qui te sourira le matin à 7 heures ou le soir à 21 heures, et qui ne cessera de te sourire. Je suis celle qui sera si heureuse de te voir rentrer chez toi. Je suis celle que tu énerveras aussi parfois, que tu insulteras peut être, que tu pourras même agresser, ou simplement faire tourner en bourrique. Mais malgré tout je resterai celle qui essaiera de te comprendre, même si tu peux me faire peur par moment. Je suis celle qui ne te jugera pas, ce n'est pas mon rôle que d'être l'inquisitrice de tes erreurs passées. Je suis celle qui essaiera, autant que possible, de rester ainsi. Celle qui soignera, toujours. Celle qui verra l'humain avant tout. Celle qui résistera pour continuer de le voir et qui, je l'espère, résistera toujours.

J'espère que j'aurai la force de résister, et que je pourrai, avec l'aide de mes collègues, changer un peu les choses. Peut être suis-je idéaliste, mais sans idéal, on n'avance pas.

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M
joli texte on sent que tu aimes ton boulot malgré toutes les difficultés. Je passe mes concours cette année et ton article m'aide beaucoup à avoir une idée précise. <br /> bonne chance à toi. mickael
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A
Merci pour ton commentaire, ça fait chaud au coeur. Bon courage pour les concours et accroche toi, malgré les difficultés, c'est vraiment un beau métier.