"Mais, tu aurais pu faire médecine!"

La réponse est non. Non, je n'aurais pas pu faire médecine. Ou plutôt, je ne l'aurais pas VOULU. Là est toute la différence.

Car concrètement, je ne doute pas de mes capacités lorsque la motivation est là, car c'est quand on est motivé qu'on fait des efforts et que ceux-ci portent leur fruit. (Note: mal dit. J'entends par là que je me sentais capable de le tenter mais n'affirme pas pouvoir le réussir. C'est un concours difficile et même éprouvant. Capacités et motivation ne font pas tout: il faut être le meilleur.,) c'est justement là que se posait le problème: je ne voulais et ne veux toujours pas faire médecine.

La société a tendance à penser que les études infirmières sont en fait préconisées par les personnes "n'étant pas assez douées pour médecine". Ils sous entendent qu'être un infirmier est un "sous métier", ou plus précisément que c'est être un "sous médecin". On nous voit comme inférieur, on nous y compare, et ainsi, on nous invente une rivalité infirmiers/médecins.

Seulement voilà, je vais vous expliquer une chose claire, net, précise: le métier d'infirmier n'est pas comparable au métier de médecin, et vice versa. Tout simplement parce que ça n'est pas la même chose! Et ce sont toutes ces différences qui ont fait que j'ai préféré l'FISI au PACES...

Bien sûr, ne voyez pas en mes propos une quelconque attaque envers les médecins ou les étudiants de médecine! Je tiens juste à vous exprimer ici qu'il s'agit de deux métiers différents qui se complètent plus qu'ils ne se font la guerre. Et j'ai bien évidemment un grand respect pour nos collègues du milieu médical.

Seulement voilà, au bout d'un moment, il y en a marre d'entendre: mais pourquoi vous n'avez pas fait médecine? Nous savons bien que cette phrase ne cherche pas à nous blesser ou à nous dénigrer, pourtant, c'est souvent l'effet qu'elle fait. Car on nous donne ainsi cette impression que les études infirmières sont en quelque sorte une solution de repli, un choix par défaut, comme si on ne les entreprenait que pour se rapprocher d'un milieu qui nous serait inaccessible. Non, franchement, nous comparer sans cesse aux médecins, c'est nous faire penser que nous valons moins qu'eux, que notre travail est plus simple, moins rigoureux et fatiguant... Seulement voilà, "le plus beau métier du monde" comme on dit souvent de la profession infirmière, est un métier difficile. Je vous l'annonce, il suffit d'écouter les diverses expériences des divers étudiants rentrés de leur premier stage.. Croyez moi, parfois, certaines situations sont bouleversantes. Car voyez-vous, le milieu des soins est un milieu qui brise de nombreux codes sociaux, on s'y remet sans cesse en question. Bien souvent, nous ne sommes pas jugés sur nos simples compétences mais sur notre personnalité entière. Là encore, je ne dis pas que notre métier est plus difficile qu'un autre, loin de moi cette idée de comparaison! Je cherche au contraire à vous montrer que chaque milieu a ses propres difficultés. 

De plus, il est vrai que nous nous sentons rabaissés face aux médecins. Notre profession est stéréotypée. On vous dit infirmière que déjà vous pensez à la petite tenue sexy, ou aux infirmières de la série Urgences! Et je ne parle même pas des images de la piqure, du pansement, et des jolies photos où l'on tient la main d'une personne âgée. Bon d'accord, ces choses là arrivent, et heureusement il y a de magnifiques moments dans notre métier! Mais pour ce qui est du sexy... vous repasserez nous en parler après ne serait ce qu'une journée en observation avec un soignant! Et je ne parle même pas du stéréotype de l'infirmièrE, car oui, nous avons aussi des infirmiERS, des hommes! Et bien souvent, les pauvres se sentent un peu "exclus" d'une profession qui semblerait réservée aux femmes. Ce sont simplement les traces de notre histoire, les premières infirmières ayant été des bonnes soeurs. Seulement voilà, les temps ont évolué! Il y a des hommes infirmiers et des femmes médecins.

Enfin, ce qui au final nous énerve le plus, c'est l'idée d'être en réalité moins compétents, moins utiles que les médecins. Cette idée que les infirmiers font machinalement les actes qu'on leur délègue, sans penser à rien, sans réfléchir, sans réellement avoir de connaissances. Il existe une telle hiérarchie dans le milieu hospitalier qu'on se sent réellement inférieur aux médecins par moments. Pourtant, encore une fois, je crois qu'il faut garder à l'esprit que ce sont deux métiers différents, qui se complètent, et s'activent dans un but commun.

Je tiens de plus à rajouter un petit mot pour nos collègues aide-soignants (ou auxiliaires puéricultricetres paramédicaux), qui se voient eux aussi parfois atteints de la phrase: "pourquoi n'as tu pas fait infirmier? Pourquoi avoir choisi kiné plutôt que médecine?". Là encore, nos rôles se complètent mais diffèrent.

Finalement, à chacun ses choix, ses préférences, ses envies et sa vocation. Nous avons tous notre rôle à jouer, nos compétences à acquérir, nos soins à prodiguer, et nos connaissances à développer. En réalité, la santé est une grande scène où se rejoignent de nombreux acteurs, tous différents, agissant pour que l'histoire continue. C'est parce que chaque acteur remplit son rôle que la scène continue de se jouer.

Alors merci à vous tous qui travaillez en milieu hospitalier ou non, qui oeuvrez pour le "prendre soin" et le "soin" de la personne, vous qui avez choisi votre voie, soyez fiers. 

Je n'ai certes pas fait médecine, je serai peut être moins reconnue que les médecins par la société, je serai peut être même parfois dénigrée. Mais je suis fière aujourd'hui d'être étudiante infirmière.