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Le déclic

Publié le par @Miss-Piquante

Le déclic

Je n’ai pas toujours voulu être infirmière. Beaucoup veulent faire ce métier depuis des années, voire depuis leur plus tendre enfance. Moi non, ça s’est décidé très vite.

En réalité, je ne m’en croyais pas capable. J’y avais pensé plusieurs fois, sans doute parce que ma personnalité correspondait à l’image qu’on se faisait de la profession. On m’y imaginait bien quand j’étais au collège. Je répondais simplement « non je ne pourrais pas, c’est trop physique, trop stressant ». Je suis ensuite arrivée au lycée, et à ce moment où on choisit son bac. Je voulais faire littéraire, ça pour le coup, je le savais depuis un moment déjà. Je n’avais pas de projet professionnel précis. Mais j’adorais la littérature, les langues étrangères, l’art, l’histoire. Bref, j’étais une L dans l’âme, et pourtant les matières scientifiques ne me déplaisaient pas tant que ça, elles m’ennuyaient un peu plus (le volcanisme moi, ce n’est pas mon truc). Me voilà donc en terminale littéraire avec cette fameuse question : et après ? Il fallait bien commencer à y réfléchir. D’autant plus que j’avais la pression, tant on m’avait répété qu’un bac L nous fermait des portes, ce à quoi je répondais « de toute façon, je ne vais pas faire médecine ! ». C’est dingue les idées reçues qu’on pouvait avoir selon notre type de bac, se dire qu’un bac L ne pourrait jamais faire médecine ou à contrario qu’un bac S n’irait jamais en prépa lettres ou entamerait un doctorat en philosophie. Avec du recul je me dis que tout ça, on s’en fiche un peu. Je pense que quand on aime ce qu’on fait, on peut faire ce que l’on veut. Il faut la volonté et l’investissement. Alors oui c’est sûr que certaines voies sont peut être plus difficiles d’accès avec tel ou tel bac, mais en soit, le bac, ça ne représente pas grand-chose.


Bref, passons ces détails sur ma vie de littéraire endurcie qui ne savait pas trop quoi faire de sa vie après. Je suis passée par beaucoup d’idées différentes : enseignante, sciences politiques, BTS communication, j’avais encore au plus profond de mon être le rêve de faire une école d’art dramatique. Mais non, rien de tout ça n’arrivait pleinement à répondre à mes attentes. Je voulais faire quelque chose d’utile aux autres, au contact d’êtres humains. Alors je me suis tourné vers le social. Je me suis renseignée pour passer les concours d’entrée en IRTESS et entamer une formation d’assistante sociale. Manque de chance, il fallait avoir 18 ans au 1er octobre 2013 pour s’inscrire au concours. J’étais du 11 octobre. Pas moyen de déroger à la règle. Alors mes parents m’ont conseillé de faire une année de fac pour ensuite tenter le concours mais je n’étais pas trop sûre de cette option. J’y réfléchissais. Et puis j’ai fini par me dire, zut, finalement ça ne plaira pas tant que ça comme formation et comme profession, ce n’est peut être pas pour moi. Il me manquait quelque chose. Il faut dire que j’étais difficile. Je cherchais un métier humain, où l’on ne reste pas derrière un bureau, un métier qui évolue, où il n’y a pas de routine, un métier un peu technique aussi, avec des connaissances particulières. Bref. J’ai continué à chercher et puis j’ai pensé à travailler avec des enfants, et particulière à devenir puéricultrice. Oui, mais une puer c’est avant tout une infirmière. Et j’ai fini par me dire : pourquoi pas ? Alors j’ai fais un stage d’observation, j’en ai parlé, je me suis inscrite aux concours et plus je travaillais pour entrer en IFSI, plus j’étudiais ce qu’était la profession, plus j’étais enthousiaste : oui, c’était ça ce que je voulais faire.

 

Pourtant, une petite voix subsistait toujours : tu n’y arriveras pas, ce n’est pas pour toi, cherche autre chose, tu es vraiment sure ? Tu pourrais faire tellement d’autres choses.

Bon ok, derrière il y avait aussi mes parents qui se demandaient pourquoi je ne ferai pas du droit car je serais une très bonne avocate ou pourquoi ne pas carrément tenter médecin et devenir sage femme ou pédiatre ? Bon déjà le droit je trouve ça barbant. Ensuite médecine ? L’idée de passer une première année sans vie dans des bouquins me rebutait. J’avais besoin d’une formation professionnalisante. Sage-femme ? C’est vrai que c’est un beau métier, mais j’avais peur de ne pas y trouver tout ce que je cherchais, j’avais cette impression qu’il me manquerait quelque chose.

 

Mine de rien, je doutais. C’était juste avant de m’inscrire aux concours et de m’investir à fond. Il me fallait un déclic. Brutal mais efficace.

 

En ce début de terminale (mois de novembre je crois), cela faisait plusieurs mois que ma mère n’était pas très bien. Des douleurs diffuses, une grosse fatigue, je ne l’avais jamais vue comme ça. Il faut savoir que ma mère a une maladie de Crohn, alors nous pensions tous, et elle la première, qu’elle faisait une rechute. Pas trop d’inquiétudes jusque là, nous attendions le rendez-vous gastro et en attendant le médecin traitant essayait de soulager comme il pouvait. Mais voilà, pour la gastro-entérologue, ce n’étais clairement pas une rechute. Non, c’était très probablement d’origine cardiaque. Alors un mercredi, ma mère a eu son rendez-vous avec le cardiologue, qu’elle avait pris de façon urgente. Elle est rentrée ce jour là à la maison, est rentrée dans ma chambre et m’a regardée. « Ça va maman ? »

« Non pas trop. Il faut que j’aille à l’hôpital. »

Et là je me suis dit : quoi ? Mais pourquoi ? En fait, le cardiologue a vu quelque chose d’anormal sur l’ECG, quelque chose d’alarmant. Il a autorisé ma mère à retourner rapidement à la maison préparer quelques affaires et me prévenir si elle allait rapidement à l’hôpital ensuite, ils l’attendraient. C’est ce qu’elle a fait, mes grands-parents l’y ont amenée, mon père l’a rejoint un peu plus tard. Moi, je suis restée seule à la maison sans savoir ce qu’il pouvait bien se passer.

J’ai alors reçu un message de mon père : elle est en soins intensifs.

Et j’ai commencé à paniquer. Les soins intensifs pour moi, ça voulait dire que c’était très grave. Ce jour là, j’ai réalisé que ma mère que je trouvais si forte et si impressionnante n’était pas invincible. J’ai réalisé qu’elle pouvait mourir.

De mon côté, ce jour où elle était rentrée de son rendez-vous cardio pour filer à l’hôpital, j’avais loupé le lycée car j’étais malade. Le lendemain, je ne me sentais vraiment pas mieux, mais je crois que c’était le moral qui n’allait pas surtout. C’était le période où il fallait donner tout un tas de papiers pour le bac, le lycée m’a donc appelé un peu alarmé car j’étais absente et devait absolument rendre les papiers ! Je leur ai expliqué le problème. Ils ont été super compréhensifs, m’ont dit de prendre le temps avant de revenir si ça n’allait pas. Que Nenni ! Moins de 48h après l’hospitalisation j’étais de retour au lycée, pour me changer les idées. En fait, ma mère a fait un infarctus du myocarde. Ces douleurs qu’elle traînait depuis des mois, c’est parce que la pointe de son cœur n’était plus irriguée comme il fallait, tout cela parce que de petites coronaires s’étaient bouchées. Voilà comment je l’expliquais à l’époque. Maintenant je comprends mieux pourquoi les symptômes ont duré des mois sans qu’il n’y ait rien d’alarmant, pas de malaise, pas d’arrêt. Ma mère a eu une chance énorme dans son malheur. Cela n’empêche que c’étais grave. A 51 ans, ma mère a fait un infarctus du myocarde.

Elle avait été placée en soins intensifs le temps de la transférer en coronarographie puis en cardiologie. Une fois en cardio, j’ai pu aller la voir. Ce que je n’aimais pas les hôpitaux à ce moment là ! Les souvenirs que j’en avais étaient glauques. Mon grand père sur un lit, blanc, fatigué, vieilli, usé, lui qui est d’habitude enjoué et blagueur. Voilà, l’hôpital pour moi c’était dangereux, les gens n’y étaient plus eux-mêmes et ils pouvaient y mourir. L’hôpital, ça faisait peur.

Et puis tout s’est petit à petit arrangé et ma mère est rentrée à la maison. Elle était fatiguée mais elle vivait et elle semblait aller beaucoup mieux d’un coup ! A ce moment là, je ne savais pas encore si je voulais vraiment faire infirmière. Et puis ma mère est revenue sur son hospitalisation et elle m’a dit une phrase qui restera gravée à jamais.

« Heureusement que les infirmières ont toujours le sourire ! »

Elle expliquait que le temps était long, qu’on s’ennuyait à l’hôpital, qu’on avait peur de ce qui allait se passer car qui n’a pas peur de ce qu’il ne connaît pas ? Mais quand l’infirmière ou l’aide soignante rentrait dans la chambre avec un grand sourire et une grande disponibilité, on se sentait un peu mieux. Juste pour un sourire.

« Heureusement que les infirmières ont toujours le sourire ! »

C’était ça, mon déclic.

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