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Lettre à toi qui veux devenir infirmière

Publié le par Audrey

Lettre à toi qui veux devenir infirmière

Après une belle pause estivale bien rythmée pour moi, me voici de retour. C'est bientôt ma troisième et dernière année qui commence avant l'obtention du diplôme, aussi comme beaucoup je me questionne sur l'avenir, sur mes limites, sur ce qui me plaît vraiment. Et puis je pense à ceux qui vont tout juste entrer en formation. Trois ans, c'est court quand on y pense. Mais si je devais recommencer ma première année, en sachant ce qui m'attendrait en stage, les situations que je vivrais, je me demanderais comment je serais capable de supporter la souffrance, la douleur, la fin de vie, la tristesse des familles, mais aussi l'agressivité, les insultes, les coups, et surtout ces nombreuses fois où l'on se sent impuissant, incapable de faire notre métier correctement, de soulager. Et pourtant, je l'ai supporté, et je le supporterai encore. Voici ma lettre, à toi, qui veux devenir infirmière.

Toi qui veux devenir infirmière, je crois connaître certaines de tes motivations.

Tu as envie d'aider, d'accompagner même, tu veux être celle qui soulagera les peines,

celle qui atténuera la douleur, celle qui sera là, jusqu'à la fin parfois.

Tu as envie d'être qualifiée, de faire des soins techniques, d'avoir des connaissances dans le milieu médical,

Tu as envie de te surpasser, d'aller au delà de tes limites, de faire de ton mieux,

Tu as envie d'apporter un sourire, un rire, ou juste un soulagement à ceux qui croiseront ton chemin,

Tu veux apporter un peu de vie dans un contexte où celle-ci peut devenir insupportable,

Tu as envie d'accomplir de petites choses aux yeux de certains,

mais de grandes choses aux yeux de tes patients,

Et pourtant, ta motivation par moment s'ébranlera.

Tu vas très certainement adorer, aimer ta future profession,

mais par moment tu douteras de toi, de tes capacités,

Tu te demanderas: est ce vraiment fait pour moi?

Tu vas te confronter à tant de choses qui font peur à la plupart de gens.

Tu vas laver des corps vieillis, des personnes meurtries dans leur chair et dans leur âme,

Tu le feras avec autant de douceur et de respect que tu pourras,

Mais parfois, sans savoir pourquoi, ce soin sera difficile car la personne pourra se sentir agressée, manipulée, comme un objet, contraint de se plier aux règles de la société hospitalière, de la société du soin.

Toi qui veux atténuer la douleur et les souffrances, parfois tu souffriras,

Tu souffriras de laisser un homme hurler lors d'un soin, malgré tous ses traitements antalgiques, malgré toutes tes tentatives pour être douce, pour ne pas faire mal,

Alors par tes mots, par tes gestes, tu essaieras de réconforter, seulement parfois, la douleur sera plus forte que toi.

Elle sera tellement forte que certains de tes patients te diront vouloir mourir, ce à quoi tu ne sauras quoi répondre. Mais tu resteras à côté, tu donneras peut être ta main, tu chercheras à capter un regard, sans trop savoir pourquoi.

Et après la souffrance, il n'y a pas toujours le soulagement, du moins pas celui que l'on croit.

Il y a aussi parfois la mort.

Souvent tu pourras t'y attendre, et tu accompagneras jusqu'à la fin, tu recueilleras les peurs et les pleurs des familles, mais surtout de ton patient.

Tu seras là pour chercher à déceler son angoisse face à la mort, tu seras là, à passer plusieurs fois dans la chambre pour vérifier, pour aller lui parler, ou juste le toucher, comme pour lui montrer qu'il ne sera pas seul. C'est triste, de mourir seul.

Tu chercheras toujours à comprendre tes patients, même quand ils s'énerveront après toi.

Un jour, tu te prendras très certainement un coup, on t'appellera peut être connasse, ou encore garce voire salope,

Peut être qu'on cherchera à te frapper, à te mordre ou à te cracher dessus.

Peut être même qu'on te menacera de vouloir te tuer.

Et dans ces moments là, tu auras peur, tu seras sans doute énervée: "Pourquoi je fais ce métier? Pourquoi, moi qui voulais seulement aider, je dois supporter ces comportements?"

Souvent tu seras confrontée à tes limites, et parfois tu auras envie de craquer, de hurler, car ça en sera trop pour toi. Tu n’es qu'humaine, toi aussi.

Souvent tu voudras t'insurger contre la société qui voudrait que tout soit fait dans la vitesse, comme si tu devais avoir un rendement dans ces usines que sont parfois les institutions.

Tu voudras peut être baisser les bras, tu te diras "je n'en peux plus, ce n'est pas normal de travailler dans ces conditions".

Tu te diras qu'on ne te permet pas de bien faire ton travail.

Tu te diras que tu n'es pas capable de supporte la vieillesse, la douleur, la mort, l'agressivité, et tout ce qui serait à revoir dans notre système de santé.

Tu te diras que tu es trop fragile, tu t'en voudras, tu culpabiliseras de ne pas pouvoir faire ce que tu avais envie de faire.

Et pourtant tu resteras.

Et pourtant tu supporteras.

Et pourtant tu iras au travail avec le sourire,

parce qu'au fond, même si tu seras confrontée à tout cela,

tu vivras de très bons moments.

Tu réussiras à donner un sourire, à faire rire,

Tu parviendras à rendre la douleur moins forte, ou du moins plus supportable,

Tu accompagneras les gestes du quotidien, et parfois on t'en remerciera,

Tu recevras des compliments: vous avez toujours le sourire, je vous admire, ça doit être dur, vous êtes douce

Autant de mot qui te feront tant plaisir, et qui te donneront envie de revenir.

Je ne te le cache pas, tu n'as pas choisi le métier le plus facile,

Mais tu as choisi une, si ce n'est la, plus belle des professions.

Tu vas grandir, tu vas t'épanouir.

Et dans les moments difficiles, tu trouveras quelqu'un à qui parler, quelqu'un qui te comprendra et te rappellera qu'en dépit de tout, tu l'aimeras ta profession.

Oui tu l'aimeras, et tu seras toujours là. Tu pardonneras l'agressivité, tu accompagneras la vie jusqu'à la mort, tu apaiseras les souffrances, tu t'occuperas de nos grands parents, et plus tard de nos parents. Et tu feras tout cela avec volonté, force, et surtout avec le sourire. Avec toute l'humanité que tu auras en toi. Car infirmière, c'est être au cœur de l'humain. Qu'importe l'endroit où tu travailleras, tu pourras toujours venir en aide à celui qui n'ose parfois pas la demander.

N'aie pas peur et bats toi, car si tu es comme moi, tu t’impressionneras d'avoir pu supporter ce qui fait peur à tant de personnes. Tu pourras être fière d'avoir cherché à comprendre des situations compliquées, de t'être questionnée, et de continuer, toujours, à vouloir faire de ton mieux.

Si tu es comme moi, toi qui veux devenir infirmière, tu l'aimeras ce métier.

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