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Marisol, j'ai mal

Publié le

Madame la Ministre, j'ai mal à ma France, vous savez le pays des libertés et des droits de l'Homme? Cette belle nation qui a vu son peuple se soulever, et marcher, et cela à plusieurs reprises pour dénoncer les inégalités, pour dénoncer ce qu'ils ne pouvaient plus supporter. Aujourd'hui Marisol, c'est moi qui ai mal... pardon, c'est toute une communauté, ce sont des familles, des amis, qui souffrent du silence de notre si beau pays. Aujourd'hui j'ai moi même envie de marcher, j'ai envie de vous dire, Madame, à quel point nous sommes un peu plus meurtris par votre silence.

Comme tout le monde, j'entends parler aux infos, à la radio, ou je lis dans les journaux, sur les réseaux sociaux ce qu'il se passe à Gaza, comment évoluent Ebola ou le Chikungunya, et comment avancent les enquêtes de ce crash aérien ayant provoqué la mort d'une communauté scientifique voulant combattre le SIDA. Madame, vous avez adressé votre soutien et votre tristesse à ces personnes... Mais vous savez, si tout ceci m'attriste, d'autres nouvelles sont venues assombrir mes journées, moi, petite étudiante infirmière.

Le 20 juillet 2014, une infirmière passe son dimanche à prodiguer des soins, à accompagner la vie, aussi difficile puisse-t-elle être par moment. Et ce dimanche matin, Madame, c'est un de ses patients qui lui ôte la vie de deux coups de fusil. Cherchez des informations sur cet événement, vous trouverez des brèves de journaux locaux, mais surtout des écrits de soignants en colère, endeuillés, dépités par votre silence. Alors qu'une institutrice assassinée a fait la une de tous les JT, a reçu la légion d'honneur - ce qui me paraît justifié, ayant moi même été très touchée par cette histoire et par la souffrance des proches - personne ne sait ce qui est arrivée à cette infirmière, battue, puis tuée. Personne, sauf nous qui adressons notre soutien aux familles et amis. Madame la Ministre, j'ai mal, car j'entends parler de cette infirmière de 63 ans, toujours dévouée à son travail malgré les difficultés physiques et émotionnelles qu'il inclut, je me prends d'un grand respect pour elle, et mon cœur s'attriste de sa disparition TROP silencieuse...

Mais ce n'est pas tout. Le 24 juillet, une infirmière de 51 ans est agressée à Toulouse, dans l'exercice de ses fonctions, ruée de coups, appelant à l'aide et n'ayant pour seule réponse que de l'indifférence. Mais où vivons-nous Marisol?! Là encore vous restez silencieuse, pendant que nous pensons à nos consœurs ou confrères, nos collègues, et à nous mêmes, nous tous professionnels de santé qui avons l'impression de risquer nos vies.

Dites moi Marisol, si cela avait été un médecin, auriez-vous réagi? Et si c'était d'une aide soignants, d'une aide médico-psychologique ou encore d'une auxiliaire de puériculture, dont nous parlions,auriez-vous garder votre silence? Savez vous au moins quel métier nous exerçons, tous, malgré nos différents noms? Nous soignons. Mais notre profession, qui la soigne?

J'ai peur Marisol. J'ai peur pour mon avenir, pour celui de mes camarades, pour mes futurs collègues. J'ai peur pour ma profession que j'aime tant mais qui me déplaît quand personne ne nous entend, quand des critères économiques passent avant les patients, quand les équipes n'ont pas le temps d'effectuer le deuil de la chambre car il faut une nouvelle entrée, quand nous craignons de manquer de temps et oublions d'en accorder aux patients, quand nous voyons des postes supprimés et que nous tournons toujours à l'effectif minimum, quand le gouvernement ne nous donne jamais les réponses associées aux questions et aux problèmes posés. Pourtant je l'aime mon métier Marisol, j'aime le sourire d'un patient que j'ai su écouter, j'aime pouvoir tenir la main de cette dame qui a peur d'être seule, j'aime accompagner sur la terrasse du bâtiment cette femme qui a peur de tomber, j'aime quand un patient me dit qu'aujourd'hui il a moins mal, j'aime quand les familles me remercient de répondre à leurs questions, j'aime quand ce monsieur est heureux que je prenne 2 minutes pour lui expliquer à quoi servent ses traitements, j'aime quand mes référents me voient comme une future collègue, j'aime quand je peux aider une aide soignante qui veut elle-même aider une femme à aller sur son fauteuil, pour éviter de rester toujours allongée... J'aime tant de choses dans ce métier, et en un an Marisol, je n'ai vu que certaines facettes, bonnes ou mauvaises. Mais entre nous, je ne saurai jamais tout ce qu'il y a à savoir Marisol, on apprend chaque jour.

Alors voyez vous Madame la Ministre, Monsieur le Président, j'ai mal à ma France, cette France qui ne sait pas écouter une profession de santé de plus en plus démunie.
PS: au cas où vous auriez oublié Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, "La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité". Ecoutez-nous, notre santé va mal.

Marisol, j'ai mal
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